Photographe auteur indépendant.

Portrait par Ken Wong-Youk-Hong
Nicolas Klein se caractérise par son appétence pour les rencontres. Vrai curieux de ses contemporains, il les saisit à la façon d’un reporter ou les capte en portraitiste. Maniant le verbe avec aisance, Nicolas Klein dialogue avec naturel et chaleur; il tisse facilement du lien. Il pourrait se contenter des mots pour s’exprimer, s’il n’éprouvait une passion pour la photographie, cet autre medium mariant l’art avec l’idée. La photographie, Nicolas est tombé dedans quand il était petit. A l’âge de six ans, il possède déjà entre les mains un moyen format que son père lui a offert. Son père, qui a été photographe durant son service militaire, avait continué de tirer lui-même ses photos « pour des raisons économiques ». Il léguera à son fils un laboratoire argentique que celui-ci utilisera intensément à l’adolescence. Celle-ci achevée, Nicolas est reçu aux Beaux-Arts à Marseille et se verrait bien artiste; ses parents le voudraient plutôt avocat. Il a finalement fait des études de communication et de marketing et «rentre dans la vie active » à vingt-deux ans : assistant de direction aux éditions COTE. Il installe un labo photo au bureau où il fait des portraits des clients du magazine (commerçants, artisans,…) qu’il exposera en Avignon; il réalise également de petits reportages, ce qui, au regard de ses travaux récents, confirme a posteriori l’ancienneté de sa vocation pour la photographie vécue comme un témoignage.
En 1993 toujours, et toujours aux éditions COTE, Nicolas Klein rencontre le photographe Stéphane Kossmann avec lequel il se lie d’amitié. En 2009, Stéphane Kossmann fonde Les Nuits photographiques de Pierrevert, en 2016 celles d’Essaouira, puis celles de Selma, en 2020, dans le sud des Etats-Unis. Nicolas Klein met ses connaissances du web (acquises en autodidacte avant de se professionnaliser) au profit de ces festivals. Il crée leurs sites internet et participe activement à leur organisation. Parrainées par des grands noms de la photographie (Paolo Roversi, Yann Arthus-Bertrand, Steve Hiett, …), ces nuits constituent pour Nicolas une occasion de se nourrir à l’envi des récits et des expériences de multiples auteurs qu’il ne manque jamais d’interroger sur leur pratique photographique.
« Apprendre encore et encore » des autres ou par lui-même. Ce désir permanent mène Nicolas à s’inscrire aux Ateliers de recherche photographique de Fermé Le Lundi.
Sous la direction d’Olivier Monge, photographe et co-directeur du lieu, Nicolas éprouve le sentiment d’avoir «repris le fil du bon côté ». Il s’enrichit de nouvelles références (Walker Evans, Anders Petersen,…), acquiert des stratégies de prises de vue et perfectionne rapidement sa technique. Il peut désormais s’attaquer à des sujets aussi difficiles que peu mis en lumière, tels le sort réservé à ces familles de migrants hébergées au squat 59 Saint Just à Marseille, entre 2018 et 2020. Dans sa série documentaire éponyme, Nicolas Klein montre sans effet ni artifice leurs conditions de survie. Il dresse un état des lieux en noir et blanc dénué de tout sensationnalisme. Le seul filtre que Nicolas Klein se permet d’utiliser tient dans son exigence esthétique. En effet, donner à voir de belles images accentue la portée et l’écho de son sujet. La démarche photographique de Nicolas Klein n’est pas celle du voyeur mais du témoin.
Un autre point commun relie tous ses projets.
Au-delà des préoccupations sociétales et sociales que sa sensibilité le pousse à traiter, Nicolas Klein attrape des êtres en transition, entre deux lieux, deux stades ou deux situations. Comme s’il voulait jouer un tour à la photographie qui immortalise un instant un seul, Nicolas Klein ne dépeint que des personnes en devenir.
En témoignent ses deux séries en cours de réalisation : l’une se déroule à l’école de cinéma Kourtrajmé où Nicolas suit des élèves traçant leur voie dans un univers qui leur semblait inaccessible; pour l’autre, le photographe dresse le portrait de bénévoles qui métamorphosent un ancien Mac Donald en un restaurant solidaire baptisé l’Après M.
Par Agnes Jouhandeaux